mardi 23 février 2010

"France Story"


A quelques jours d’intervalle, deux journalistes viennent de nous livrer les témoignages d’individus plongés dans une précarité abyssale.

Le premier est un article de Léa-Lisa Westerhoff qui a rencontré au Maroc trois jeunes adultes fraîchement expulsés de France ("Je ne comprends pas, ma vie est en France").
Ces témoignages permettent de sentir à quel point le terme "expulsion" est approprié.
Il ne s’agit nullement de "reconduite à la frontière". Le pays dans lequel sont débarqué ces trois jeunes leur est inconnu pour ne pas dire hostile.
Pour Hassan, Salima et Mohamed - tous arrivés en France il y a plus de 5 ans - il n’existe dans ce pays aucune équivalence au niveau des diplômes, pas d’emploi et dans les cas les plus extrêmes ni toit pour les abriter, ni famille pour les accueillir.
Il ne s’agit pas d’un "retour au pays" mais belle et bien d’un "(re)jet vers l’abîme".

Florence Aubenas, dans Le Quai de Ouistream, nous précipite dans le quotidien de salariés précaires.
Ici, les primes de 150 € sont des parachutes dorés, l’absence de télévision est un crève-cœur et l’ambition inavouable est d’atteindre le statu de caissière.
Au-delà de ces anecdotes, ce qui transperce, c’est le courage et la détermination de ces travailleurs précaires : tous semblent prêts à travailler pour des salaires inférieurs au SMIC, tous multiplient les trajets pour quelques heures de travail et tous vivent dans l’effroi de perdre les contrats d’intérim ou les allocations qu’ils peuvent encore obtenir.

La somme de ces visages et de ces histoires démonte de nombreux préjugés trop couramment véhiculés. Ces individus nous invitent à ne pas agir de façon empirique face à des problématiques complexes. Le devoir de nos élus est de chercher à trouver des solutions pour intégrer ces populations. Cette dynamique est essentielle pour la France : en se contentant de stigmatiser et d’observer, nous ressemblons trop à cette salariée d’une agence d’intérim qui, apeurée par sa propre impuissance, supplie Florence Aubenas de ne plus se présenter à son guichet…

dimanche 14 février 2010

Promesse 2.0


Jusqu’au sommet de Copenhague, les gouvernements mondiaux, conscients et victimes de leur perte d’emprise sur le cours des choses, organisaient à intervalle régulier des grands-messes lors desquelles ils optaient - au choix - pour des objectifs irréalistes ou cherchaient à s’attribuer a posteriori la paternité des modes de fonctionnement déjà adoptés par une partie de la société.
Suite à l’échec danois, il ne leurs reste même plus cette illusion.
Ce déclin contraint les multinationales - ensembles à la puissance sans égal, régulant la vie de millions de salariés et indifférents aux frontières politiques - de structurer la société qu’elles ont façonnée.

Cette implication a priori contre-nature est inévitable si elles souhaitent pérenniser leurs marchés et marges. Si elles acceptent ce rôle, leur partition se déclinera en deux actes.

Dans un premier temps, les entreprises devront se montrer infaillibles, aussi bien au niveau de leur production que de leur gestion interne. C’est d’ailleurs essentiellement au niveau de la gestion des ressources humaines que les multinationales devront se concentrer. L’émergence du web 2.0 permet désormais à tous les salariés de critiquer en temps réel leurs employeurs. Un stagiaire insatisfait pourra durablement ébranler l’image d’une marque auprès de son réseau social en publiant un statut cinglant.

En parallèle, afin de capitaliser sur ces comportements vertueux, les multinationales devront également prendre en charge l’éducation des consommateurs. Elles devront expliquer que les « surcoûts » s’expliquent par l’inclusion dans les échanges de la promesse que le bien-être du client et de sa descendance ne sera pas altéré par son acte d’achat.
L’aspect pédagogique est essentiel pour éviter un comportement schizophrène des consommateurs souvent à l’origine des maux qui les indignent.