mardi 11 août 2009

Réenchanter la presse


Le 13 septembre 2006, le groupe Lagardère annonçait le départ de Gérald de Roquemaurel. Cette figure de la presse allait être remplacée quelques semaines plus tard par un transfuge d’Orange. Le premier éditeur mondial illustrait ainsi, de façon caricaturale, les espoirs placés dans le numérique.
Didier Quillot se trouvait à la tête d’un empire avec une mission claire : accompagner la migration des lecteurs vers Internet. Pour lui une "marque de presse" devenait "un concept éditorial, des contenus, des centres d’intérêts qui accompagnent les lecteurs-consommateurs dans leur vie au quotidien"… En un mot : un fourre-tout !
Il déclarait sans complexe que nous allions passer d’un "contrat de lecture à un contrat de vie".
Aujourd’hui le pari est réussi : Lagardère et les autres groupes de presse ont accompagné cet exode des lecteurs vers le web… sans aucun bénéfice au niveau du chiffre d’affaire !
Nous avons assisté à une situation ubuesque où, fascinés par l’eldorado que semblait être Internet, tous nos éditeurs sont partis, fleur au fusil, cueillir l’internaute sans penser au moindre business modèle.
Nous sommes aujourd’hui face à de nouvelles révolutions technologiques : les iPhones et autres Kindles semblent proposer un levier de croissance pour nos équipes dirigeantes en manque d’imagination. C’est une nouvelle fois un mirage : le consensus autour de la commercialisation d’articles à l’unité sur le modèle de la musique n’a pas de sens. Les "marques de presse" deviendraient des écuries de journalistes-bloggeurs sans aucune valeur ajoutée propre et les journalistes phares ne tarderaient pas à s’émanciper plutôt que de mutualiser leurs revenus au sein de leurs rédactions.
Le journal acheté en kiosque est l’avenir de la presse, le vrai challenge est de développer la diffusion. Pour cela il faut mettre en place le plan d’action suivant :
1) arrêter toute diffusion sur Internet des contenus présents dans les supports "print".
2) travailler sur la ligne éditorial et le contrat de lecture. Aucun de ces deux termes n’a perdu de son sens : la ligne éditorial est l’essence de la presse. C’est la sélection de l’information, sa mise en perspective et sa hiérarchisation. Le contrat de lecture c'est la garantie faite au lecteur, qu’à la fin de sa lecture, aucune information majeure susceptible de l’intéresser ne lui aura échappé. La presse doit ici mener un travail de segmentation : les informations traitées sont trop souvent les mêmes d’un support à un autre…
3) dynamiser les ventes grâce aux nouvelles technologies. Il est aujourd’hui possible de se servir d’un panel de solutions pour encourager l’achat de supports de presse. L’envoi du sommaire sur un iPhone avec la mention du kiosque le plus proche, la création d’un système d’alerte trans-support (sur le modèle d'une revue de presse) qui préviendrait le lecteur de la parution d’un article sur l’un de ses centres d’intérêt.

C’est à travers la (re)découverte des titres que le lecteur prendra conscience des contrats de lectures proposés et adhérera éventuellement à l’un d’eux. Le salut du journalisme ne passe pas par des technologies miraculeuses, il passe par le réenchantement de la presse.

1 commentaire:

  1. Les annonceurs, conscients de l'importance de leurs contrats pour les groupes de presse, subventionnent les contrats de lecture, en orientant plus ou moins ouvertement le contenu, dévalorisant ainsi l'information transmise.

    Par ailleurs, les lecteurs ne peuvent se plaindre de la valeur de ce qu'ils lisent s'ils se contentent de ce qu'ils trouvent gratuitement.

    Apprendre à lire dans ces conditions est un vrai défi.

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